Hier le Rwanda, aujourd’hui Gaza

Rwanda, douleur fantôme

Le

Cet article est en accès libre grâce aux abonnés modestes et géniaux, mais…

…sans publicité ni actionnaires, Là-bas si j’y suis est uniquement financé par les abonnements. Sans les abonnés, il ne nous serait pas possible de réaliser des émissions et des reportages de qualité. C’est le prix de notre indépendance  : rejoignez-nous  !

Je m'abonne J'offre un abonnement

Rwanda, douleur fantôme.

C’est une douleur dans la main qu’elle n’a plus.

Chaque année, au printemps, la douleur revient et tout un cortège d’images reviennent la hanter jusque dans le noir de la nuit, dit-elle. Surtout pour les anniversaires, les dix ans, les vingt, les trente ans comme ces jours-ci. Génocide du Rwanda, trente ans. Les médias ressortent les mêmes articles, les mêmes spécialistes, les mêmes écrivains roublards, les mêmes débats, les mêmes images – attention – qui peuvent choquer, surtout les enfants.

Son téléphone sonne, des messages s’accumulent, les médias du monde entier veulent son témoignage. Elle ne répondra pas. Elle dit à sa copine que c’est comme les hyènes qu’elle voyait arracher des bouts de cadavre dans ces jours et ces nuits où elle priait très fort pour mourir et pouvoir comme ça rejoindre sa mère au paradis et son père et tous les siens.

Elle vit à Toronto, elle a fait une famille, elle a fait de la vie, elle a mis des kilomètres entre elle et le malheur, elle a tenté de faire de l’oubli. Les médias répètent qu’ils font tout ça contre l’oubli. Elle, c’est le contraire, l’oubli elle aimerait oublier. Comme tous les survivants. Mais comment oublier avec les commémorations, les discours, les Kagamé, les éditions spéciales.

Elle a tourné le bouton. Elle est tombée sur une déclaration du président français Macron : la France « aurait pu arrêter le génocide » mais « n’en a pas eu la volonté ». Elle a d’abord cru qu’il parlait de Gaza. Qu’il parlait de la lâcheté de la France envers Gaza. Mais c’était d’elle qu’il parlait, du Rwanda. C’est pourtant la même lâcheté. Celle du gouvernement français mais pas seulement. On sait avec quelle insistance les États-Unis recommandaient surtout que le terme de génocide ne soit pas employé officiellement car alors, selon la convention de 1948, il y aurait eu obligation d’intervenir sans délai. Il n’aurait pas fallu un grand déploiement militaire pour neutraliser des bandes de tueurs armés de machettes. Mais comme dit Macron, on n’a pas eu la volonté.

Ça a duré cent jours. Comme Gaza, on en est à cent jours. Ça se passe pareillement sous nos yeux, avec toutes les informations, tous les détails, tous ceux qui s’y connaissent sur les plateaux de télé, toutes les images – attention – qui peuvent choquer, surtout les enfants.

En avril 1994, elle avait treize ans.

Une douleur fantôme, c’est une sensation de douleur dans un membre amputé bien que celui-ci ne soit plus présent.

D.M.

C'est vous qui le dites…Vos messages choisis par l'équipe

Les bouquins de LÀ-BASLire délivre

  • Voir

    La bibliothèque de LÀ-BAS. Des perles, des classiques, des découvertes, des outils, des bombes, des raretés, des bouquins soigneusement choisis par l’équipe. Lire délivre...

    Vos avis et conseils sont bienvenus !

Dernières publis

Une sélection :

Tout un été Là-bas MOI PRÉSIDENT, JE RÉPONDRAI À CHAQUE FRANÇAIS QUI M’ÉCRIRA ! AbonnésVoir

Le

Hervé Le Tellier, prix Goncourt pour son roman L’Anomalie, est moins connu pour sa correspondance avec plusieurs présidents de la République française. Pourtant, dans Moi et François Mitterrand, il dévoilait sa correspondance secrète avec ce grand homme et révélait l’incroyable vérité sur sa mort. Une vérité que les médias ont totalement occultée, il faut avoir le courage de le dire. Mais il évoquait aussi ses échanges épistolaires avec Jacques Chirac aussi bien qu’avec Nicolas Sarkozy. Tous ces grands chefs d’État ont pris le soin de répondre à Hervé alors qu’il n’était pas encore célèbre mais un simple citoyen. Le (ou la) futur(e) président(e) aura-t-il (elle) la même modestie ? Cette question nous fournit l’occasion de (ré)écouter l’entretien qu’Hervé nous a accordé en 2016. À travers ces échanges épistolaires, c’est une partie mal éclairée de notre histoire qui apparaît en montrant le rapport entre ces grands hommes et un modeste citoyen comme Hervé.

Tchernobyl, c’est notre paradis ! Avec les derniers habitants de la zone interdite Les joyeux fantômes de Tchernobyl Accès libreÉcouter

Le

Elles préféraient rester dans la zone contaminée plutôt que de quitter leur maison. Des centaines de milliers d’habitants furent évacués de gré ou de force dans une zone de 30 km après la catastrophe du 25 avril 1986. Mais ces quelques femmes avaient voulu rester, malgré dénuement et abandon.

Environ 700 irréductibles, les SAMOSELY, survivaient ainsi dans la zone la plus contaminée par la radioactivité dans le monde, 2 600 km2, devenue aujourd’hui un « parc involontaire » où se développent une faune et une flore étranges, avec toujours ces habitants tenaces depuis trente ans. (...)